Amazon est une nouvelle fois dans la tourmente pour des soupçons de pratiques anticoncurrentielles. La Commission européenne a accusé, mardi 10 novembre, l’entreprise américaine de commerce en ligne d’avoir enfreint les règles européennes en matière de concurrence en tirant profit des données de détaillants indépendants qui utilisent son site de vente en ligne. Bruxelles a aussi, ce mardi, ouvert une seconde enquête : la Commission soupçonne un traitement préférentiel, par Amazon, des offres ou des vendeurs de sa place de marché qui ont recours à ses services de livraison et de stockage.
« La vente en ligne est devenue très importante, d’autant plus en ces temps de pandémie », a rappelé Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission. En France et en Allemagne, respectivement 80 % et 70 % des personnes qui ont recours à l’e-commerce ont acheté un produit chez Amazon au cours des douze derniers mois, a ajouté la commissaire.
La première enquête, désormais au stade de la « notification des griefs », se concentre sur le « rôle dual » d’Amazon : l’entreprise vend directement des produits sur son site Internet, mais elle met également à disposition de vendeurs indépendants une place de marché sur laquelle ils peuvent vendre aux consommateurs. Ce volet de la procédure prolonge une enquête préliminaire sur l’utilisation des données par Amazon, lancée en 2018 et transformée en enquête formelle en juillet 2019. « Les données relatives à l’activité des vendeurs tiers ne devraient pas être utilisées au bénéfice d’Amazon lorsque celle-ci agit en tant que concurrente de ces vendeurs », a expliqué Mme Vestager.
La part du lion
Dans ce premier volet, la Commission a un peu élargi son approche : « Il ne s’agit pas de reprocher à Amazon l’utilisation d’informations concernant un vendeur unique, mais plutôt l’accès à une grande quantité de données accumulées, très précises et disponibles en temps réel. Celles-ci pourraient permettre à Amazon de décider plus facilement quel produit lancer, à quel prix, etc. L’entreprise prendrait ainsi moins de risques que les autres vendeurs », a exposé la commissaire. En tant que place de marché, Amazon a en effet connaissance des commandes, des livraisons, des revenus, du nombre de visites, des réclamations ou des activations de garantie sur tous les produits, a énuméré Mme Vestager.
Amazon a toujours affirmé ne pas utiliser d’informations sur les vendeurs individuels et seulement consulter des données « agrégées ». Un article du Wall Street Journal a pourtant prouvé, en avril, que des employés avaient enfreint cette règle et consulté des données sur des produits précis, avant qu’Amazon lance des offres concurrentes. Le fondateur, Jeff Bezos, a assuré qu’il avait alors lancé une enquête interne.
Pour prouver qu’il y a bien dysfonctionnement et distorsion de concurrence, Mme Vestager a affirmé mardi qu’Amazon s’arrogeait la majorité du montant des ventes dans certaines catégories de produits, tout en ne proposant qu’une minorité de l’inventaire disponible, parfois 10 %. « Les vendeurs semblent fournir la quantité, qui attire sur Amazon les clients, certains de trouver ce qu’ils cherchent. Mais Amazon se réserve la part du lion des revenus », a-t-elle commenté.
La seconde procédure annoncée mardi est à un stade moins avancé, celui de l’enquête formelle. Elle concerne la « buy box » : ce bouton rectangulaire jaune, placé à droite des fiches des produits, permet d’acheter en un clic un article auprès de l’un des vendeurs qui le proposent. Etre choisi pour la « buy box » est « crucial », a expliqué la commissaire, car 80 % des transactions de la plate-forme passent par ce bouton.
« Centaines de milliers d’emplois »
Bruxelles soupçonne Amazon de favoriser ses offres et celles des vendeurs tiers qui utilisent ses services de logistique, c’est-à-dire l’accès à ses entrepôts de stockage et à ses capacités de livraison. C’est un point très important de l’activité du conglomérat de Jeff Bezos. Il peut, selon la Commission, fausser le jeu.
Par exemple, l’un des critères d’obtention de la « buy box » est la rapidité de livraison, mais il est très difficile, pour un vendeur, d’être inclus dans Prime, l’offre de livraison en vingt- quatre heures d’Amazon, sans utiliser ses services logistiques… Or, ces derniers sont payants et permettent à la place de marché de récupérer une part de valeur supplémentaire à sa commission de 15 % environ.
En réponse, Amazon a fait savoir, par communiqué, son opposition à la procédure :
« Nous sommes en désaccord avec les affirmations préliminaires de la Commission européenne et nous ferons tout notre possible pour nous assurer qu’elle ait une parfaite compréhension des faits. Amazon représente moins de 1 % du marché mondial du commerce de détail, et il y a des détaillants plus importants dans chacun des pays où nous sommes présents. Plus de 150 000 entreprises européennes vendent par l’intermédiaire de nos boutiques en ligne. Elles génèrent des dizaines de milliards d’euros de revenus annuels et ont créé des centaines de milliers d’emplois. »
Jeff Bezos a aussi souvent martelé un contre-argument qui prouve selon lui que les vendeurs tiers ne sont pas désavantagés sur sa plate-forme : ils représentent désormais 58 % des ventes, contre 3 % en 1999. Les annonces de Mme Vestager surviennent au moment où la société américaine est accusée en France de profiter de la crise sanitaire et des mesures de reconfinement, qui contraignent de nombreux commerces à fermer leurs portes, tandis que la vente en ligne bat des records. Amazon a annoncé un triplement de son bénéfice net, à 6,3 milliards de dollars au troisième trimestre, une envolée de 38 % des recettes tirées de ses articles vendus en ligne, tandis que les ventes des marchands tiers utilisant sa plate-forme ont augmenté de 55 %.
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